La nouvelle loi sur les marchés publics approuvée à la Chambre
La nouvelle loi relative aux marchés publics a été approuvée ce jeudi en séance plénière à la Chambre.
De manière générale, l’innovation est un des maîtres-mots de cette nouvelle loi. A de nombreuses reprises, la philosophie de la loi innove car elle renverse la logique. Le fait que le prix ne soit plus le seul critère de choix, l’obligation de diviser les marchés au-delà d’un certain seuil (sauf justification), la manière dont on va lutter contre le dumping social en imposant un respect des règles nationales… sont autant d’innovations majeures.
Le Ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale Willy Borsus déclare : « Il s’agit d’une étape cruciale en faveur de la lutte contre le dumping social et du développement économique de nos entreprises, particulièrement de nos PME qui pourront soumissionner plus facilement à des marchés publics ».
Philippe de Backer, secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale, à la Protection de la vie privée et à la Mer du Nord déclare: "Cette loi offrira aux services publics et aux administrations locales davantage de moyens pour lutter contre les entrepreneurs de mauvaise foi et les prix abusivement bas. Il s'agit d'une arme efficace dans la lutte contre le dumping social et l'exploitation des êtres humains."
En voici les grands principes.
Au service des PME
Le projet de loi prévoit que les pouvoirs adjudicateurs doivent diviser les marchés publics dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 135.000 euros en lots (ou justifier les raisons pour lesquelles ils n’ont pas procédé à la division en lots).
Cette règle du « divide or explain » a été reprise pour les marchés dont le montant est inférieur au seuil de la publicité européenne. L’objectif étant d’accentuer encore son effet positif sur l’accès des PME.
Par exemple, un marché public qui vise une rénovation en profondeur et l’élargissement d’un bâtiment scolaire. Une PME n’a peut-être ni la capacité économique et financière requise, ni la capacité technique pour mener à bien le marché dans sa totalité. Néanmoins, si on divise le marché en lots, en prévoyant par exemple un lot pour le « chauffage », beaucoup plus de PME pourront alors participer au marché, car elles remplissent les critères de sélection.
Simplification administrative
La nouvelle loi propose des mesures qui vont entrainer une réelle simplification administrative, tant du côté du pouvoir adjudicateur, que du côté des firmes qui soumissionnement. Par exemple, le relèvement à 30.000 € du plafond pour les marchés qui peuvent se concrétiser via une facture acceptée (actuellement 8500 €). Il s’agit de prendre en compte les nombreux petits pouvoirs adjudicateurs, comme les ASBL, qui doivent également respecter la législation relative aux marchés publics. La négociation tend ainsi à faciliter les relations « entreprises – pouvoirs publics » en évitant de les encadrer dans des procédures lourdes et inadaptées.
Citons également comme avancée pour une plus grande simplification administrative l’utilisation progressive de moyens électroniques qui assure plus de transparence, la promotion d’une concurrence élargie ou encore le respect du principe de l’égalité. Elle devrait en même temps générer une diminution des charges administratives.
Lutte contre le dumping social
Plusieurs nouvelles mesures de la loi sont de véritables avancées dans la lutte contre le dumping.
- Obligation de rejeter les offres qui violent le droit du travail
AU MOMENT DE L’ATTRIBUTION D’UN MARCHÉ, la loi prévoit que le pouvoir adjudicataire doit rejeter toute offre pour laquelle il y a infraction à une disposition du statut social, environnemental et de travail punie pénalement. Le pouvoir adjudicataire a également la possibilité de le faire dans les cas d’infraction non sanctionnés pénalement.
Pratiquement, cela signifie que si le pouvoir adjudicateur constate qu’il y a manifestement non-respect des barèmes salariaux minimum ou non-respect de la durée de travail, etc. qui sont des obligations sanctionnées pénalement en droit belge, il est dans l’obligation de rejeter l’offre. Il s’agit d’un axe majeur de la lutte contre le dumping social.
A TOUT MOMENT DE LA PROCÉDURE, des exclusions sont possibles : exclusions obligatoires en cas de fraude, de travail des enfants et d’occupation de ressortissants en séjour illégal, de corruption, de blanchiment de capitaux, de dettes fiscales et sociales (avec un seuil de tolérance + la possibilité de régulariser le paiement de ses dettes en 5 jours ouvrables car ce n’est pas parce qu’il y a une dette qu’il y a de la fraude)… et facultatives pour les infractions au droit environnement, social et du travail non comprises dans les exclusions obligatoires.
Si ces exclusions sont facultatives et non obligatoires, c’est en vertu du principe de proportionnalité. Par exemple, il n’est pas envisageable et serait contraire au droit de l’UE d’exclure d’un marché une société pour un manquement de moindre importance, comme ne pas avoir le nombre adéquat de trousse de secours sur un chantier…
- Changement d’approche au niveau des critères d’attribution (prix)
La loi énonce que le pouvoir adjudicateur doit se baser sur l’ « offre économiquement la plus avantageuse ». Ce concept de l’ « offre économiquement la plus avantageuse » est basé sur les éléments suivants :
1° le prix ;
2° le coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité, telle que le coût du cycle de vie ;
3° un meilleur rapport qualité/prix qui est évalué sur la base du prix ou du coût ainsi que des critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné.
Il reste cependant possible dans le projet de loi d’attribuer le marché uniquement sur la base du prix. Il y a en effet beaucoup de cas dans lesquels l’utilisation de cet unique critère est logique et cela n’entrave pas la lutte contre le dumping social. Par exemple, un marché d’aiguilles de seringues pour un hôpital. Pour ce produit qui est hautement standardisé, il suffit de se référer aux normes dans le cahier de charges. C’est tellement spécifique que toutes les firmes produiront exactement le même produit. Le prix seul peut donc être un critère d’attribution.
En ce qui concerne les prix anormalement bas, un groupe de travail « dumping social » présidé par le Cabinet du Premier ministre et composé de tous les acteurs de la construction prépare actuellement une proposition de texte.
- La limitation de la chaine de sous-traitance verticale à 2 niveaux
Le projet de loi habilite le Roi à limiter la chaine de sous-traitance et à imposer l’agréation à l’ensemble de la chaine de sous-traitance.
Les dispositions pratiques sont discutées actuellement (et en voie de finalisation) au niveau du groupe de travail « dumping social » présidé par le Cabinet du Premier ministre et composé de tous les acteurs de la construction.
Les arrêtés d’exécution vont encore préciser et compléter ce véritable arsenal qui sera désormais à disposition des pouvoirs adjudicateurs.